par Philippe Di Meo
Conformément à la collection où le recueil prend place, Rupture d’équilibre se donne un thème unificateur, cette fois celui du cheval.
Dans un entretien avec Thierry Renard publié en fin de volume, l’auteur s’en explique. L’équidé fascine parce que sa seule défense est la fuite, parce qu’il s’agit d’un animal « mythique » mais aussi d’une aventure vécue avec une monture acquise presque sans le vouloir.
Dans cet ouvrage conçu d’emblée comme un livre illustré par un dessinateur choisi par Paul de Brancion, le poète entend faire passer certaine concentration évocatrice, intense et abstraite, du corps en mouvement. Comme souffle et suspension rappelant la chevauchée du cavalier tout aussi bien, par exemple.
De fait l’absence de ponctuation souligne ces deux aspects. Un récit en vers découle du rapport de l’auteur à son cheval. Deux doigts cassés jalonnent cette expérience avec, en arrière-plan, la figure de saint Paul et d’autres harmoniques possibles transsudant de l’histoire de la peinture. Entre autres, de Géricault à Delacroix.
Consessions chinoises s’interroge, pour sa part, poème après poème, sur le passé et le devenir de la Chine. Sur l’engloutissement diversement violent de l’un par l’autre.
Dès le titre, la polysémie de maintes expressions, ou façons de dire, sert à nuancer subtilement le propos selon l’entre-deux clair-obscur de la signification si adroitement mise en œuvre. Comme en surimpression. Au lecteur de trancher. Éventuellement. Ou non. Pour préserver le balancement du propos.
L’écriture chinoise est de-ci de-là ponctuellement apposée à l’alphabet latin. Cette présence peut être ressentie comme le rappel d’une altérité, un ornement, un supplément d’information et l’ardu de son interprétation. Comme l’objet à capturer, peut-être également. Moins plurivoques, de loin en loin, des photographies en couleurs de l’auteur, en regard des pièces poétiques introduisent une dimension supplémentaire.
Le pianissimo du ton, fait de pénétration, détachement et d’observation attentive, confère un rythme méditatif à l’ensemble. La lenteur se laisse percevoir comme décalque en acte d’une pensée en train de se faire, tout occupée par la recherche du mot juste, de l’image pertinente. Un équilibre convaincant est ainsi atteint entre observation et transcription des sensations que celle-ci suppose.
Mais faisons succéder la poésie à la tentative de commentaire pour citer in extenso la pièce intitulée « Xia » : « on ne sait pas / si la mer qui descend / se retire toujours / ou par excès de modestie / joue avec les forces / de l’univers / sa partition géographique / modifiant les contours / du bord / laissant apparaître / la terre / amarrée / sorte de nid d’oiseau / musique / traversière / enlevée délicate / terre / amarrée basse. »