Gertrud Kolmar : Robespierre

 
par Patrice Corbin

« … cet homme à l’activité inlassable était plutôt un homme de l’être, qui voulait moins par ce qu’il accomplissait que par ce qu’il était. » Gertrud Kolmar Chodziesner1 nous invite à l’homme, le révolutionnaire inlassable que fut Robespierre. Qui est-il ou quoi est-ce que cette inquiétante figure de l’histoire de la Révolution française, le plus souvent réduite à la vile posture d’un tyran sanguinaire, pourvoyeur de la guillotine, une monstruosité se caractérisant par son mépris de l’humain et sa soif de pouvoir ? Ce sont là les termes de nombre d’historiens ou histrions désabusés animés par la haine partisane. « … et si maintenant nous effacions de la toile la caricature abominable, que mettrions-nous finalement à la place ? » Interrogeons le poème, le dit débarrassé de sa gangue empoisonnée, « Laisse-moi défaire la chaîne rouillée / Qui barre la porte de ton cachot. » Car il s’agit pour Gertrud Kolmar de dénoncer la calomnie dont Robespierre fut et est encore victime. Nommons « L’Incorruptible – car c’est ce qu’était vraiment Robespierre. » Il ne fut pas cet homme hésitant, fébrile, cet obscur manipulateur au service de quelques-uns, mais l’homme de chaque instant accrochant au présent la marque indélébile de sa détermination révolutionnaire. Le temps historique, qu’il appréhendait comme le mouvement de la nécessité émancipatrice, l’animait autant que son intraitable refus du consensus et ce jusque face à la réaction thermidorienne décrétant son achèvement, sa mort « Et ils se déchaînèrent, troupeau possédé par la peur / Et ils l’abattirent avec les ossements de morts, / Ils le foulèrent aux pieds, dans la poussière, la chaux et la terre, / Toujours eux, la multitude. Lui, l’unique. » Ce portrait que dresse Gertrud Kolmar est une contribution majeure, activant l’idée là où ne règne que l’idéologie. « Robespierre nous offre la première pensée philosophique de la Révolution, la première pensée réelle, non métaphorique, d’un objet réel, sa première systématisation ou théorisation », ainsi que le commente Labica2.




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Poésie
Traduction de l’allemand par Sibylle Muller
Édition bilingue
Circé
220 p., 22,50 €
couverture

1. Gertrud Kolmar Chodziesner est née le 10 décembre 1894 à Berlin, elle fut assassinée à Auschwitz le 2 mars 1943. Elle était par sa mère la cousine du philosophe Walter Benjamin.

2. Georges Labica, Robespierre, une politique de la philosophie, La Fabrique, 2013.