Bernard Bretonnière : Datés du jour de ponte

 
par Bruno Fern

Dans sa préface au style aussi pétillant que celui de ses textes d’écrivain, Jean-Pierre Verheggen parle d’un propos humainement fibreux [et] tendrement désabusé qui lui rappelle Buster Keaton, appréciation vérifiée à la lecture de ce livre, situé quelque part entre un journal intime (très irrégulier puisqu’il est décidément impossible / impossible d’écrire un poème / chaque jour / même quotidien) et une suite de poèmes, certes datés du jour mais pas de l’année dont on sait uniquement qu’elle est comprise entre 2000 et 2005. En effet, l’auteur ne cesse pas d’y osciller entre gravité et humour, comme peuvent en témoigner, par exemple, le texte d’un « dimanche 9 décembre » où un père voudrait répondre à son adolescent de fils / sur le tableau Velleda® de la cuisine au-dessous de / « Bouffe chien PQ Fleur de sel » : / « Je n’ai pas demandé à n’être » et celui-ci, issu d’un autre dimanche (24 mai) : « Entre », tu me déranges / à je ne sais quoi j’étais occupé / à me noyer à me sauver. En outre, le poème intitulé « Un art poétique ? » est constitué de différentes versifications de la phrase Ce jour où je comprends que je suis un mortel, allant peu à peu vers sa mise en pièces monosyllabiques. Évoquant le plus souvent ceux et celles qui lui sont chers (les proches, comme on dit, et de nombreux auteurs aimés, des contemporains Lucien Suel et Jean-Pascal Dubost à Maïakovski), Bernard Bretonnière dresse finalement, par petites touches faussement prosaïques, un autoportrait dénué de tout narcissisme car non seulement il tient à rester à l’arrière-plan mais va jusqu’à douter de sa propre existence : Ce type c’est donc / moi / et d’être là / celui-là / cet étrange étranger / rendu là – à ce point-là – / ne laisse de m’étonner. Cela dit, ce pondeur textuel manifeste parfois un caractère bien trempé, fustigeant notamment les poètes ès attributs ès attitudes, et confirme ainsi qu’on ne saurait faire l’homme / l’être sans casser des œufs.




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Monotype de Jeanne Frère
Préface de Jean-Pierre Verheggen
Les Carnets du Dessert de Lune
88 p., 12,00 €
couverture