Annie Lafleur : Bec-de-lièvre

 
par Christophe Stolowicki

Elle est revenue, a vu, a vécu, tout ou rien, prend la sylve aux cheveux : « pour une dernière marche en forêt ». Je n’en crois pas un traître mot à mot tant l’urgence naît à cœur, naît à trèfle, celui qu’on effeuille pétale à sépale, à l’âge où l’on gravait deux cœurs dans l’aubier.

« On a […] / regardé / par tous les vitraux l’éther crasse / […] on a détruit nos photos nos cahiers nos visages / […] escaladé une butte perdu un rein / […] assise dans le noir bouilli l’eau tamisé l’or / […] tout léché deux par deux / eu soif joui fort pas vu l’ours pas vu l’elfe / […] de terreur on a vomi dans nos mains en coupe / […] replacé un torrent dans son lit / […] esquivé les vœux les séquelles / […] zippé nos manteaux / on a sauté ».

En français du Québec le poème happe encore le mort vif. En français du Québec on d’anaphore est-il féminin ou duel ?
Giboyeuses fontaines. Mourir de vie cash, en espèces sonnantes d’envois musqués, ne trébuchant pas. Rimbaud l’abyssin sibyllin a migré au Canada, fondé une famille, pris, dépris l’accent.
L’enfance peu loin. Une tendre chasseresse relève ses collets reins brisés. Quand Annie Lafleur tutoie, tue toi à tu et à toi, on ne sait jamais de qui l’adresse retrousse la lèvre. Nous est-il duel ou minuscule en majesté ?
Les joujoux transe graissent, « calamine[nt] » sa bielle, son arbre à cames, une impudeur arpente sa clairière. De qui sinon soi yeuse amoureuse ?
Rude exquise, d’un entrechat et loup de surprise en reprise en rupture nous exauçant en vieillerie contemporaine implacable.




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Le Quartanier
64 p., 12,00 €
couverture