par Agnès Baillieu
C’est un petit livre impressionnant. Sa couverture reproduit les signes colorés employés par Walter Benjamin en marge de ses notes. La première page précise à quoi ils correspondent (par exemple, rectangle noir avec croix rouge : La Marchandise). La préface et ses notes précèdent des précisions d’ordre éditorial. Les pages 65 à 84 donnent les notes prises par Benjamin et réunies dans la liasse « k » de ce qu’on appellera Le Livre des Passages. Ensuite, la traduction des citations faites en allemand, la reproduction d’une caricature (Courbet sur la colonne Vendôme) et des explications indispensables, données par Fr. Metz : « Qu’est-ce que la liasse “k” ? », « Où se trouva-t-elle ? ». L’intérêt de Benjamin pour Paris et ses passages remonte à 1927, et après une interruption entre 1930 et 1934, il y travaille jusqu’en mai 1940 (soit quelques mois avant sa mort), essentiellement à la Bibliothèque Nationale à Paris, qu’il quitte en juin après avoir confié ses manuscrits les plus importants à Georges Bataille : il accumule des notes réparties en liasses correspondant chacune à un thème ou à un nom (de « A » à « Z » puis de « a » à « w ») et consistant en citations et réflexions. La liasse « k », Die Kommune, ne comporte que huit pages de citations très disparates (sans commentaire ou accompagnées de remarques énigmatiques) : une lettre de Marx à Engels (1854), une coupure de presse saint-simonienne (1830), des extraits de revue (1935-1936)… L’intérêt de Walter Benjamin pour la Commune est à replacer dans le contexte des années 30 (montée du fascisme, difficultés de la gauche à y faire face…), époque qui peut mobiliser une force contenue dans le passé (1871). L’Histoire « écrite du point de vue des vaincus », l’historiographie officielle bousculée, c’est là le cœur de la liasse « k ». On citera Sens unique : « Les citations dans mon travail sont comme des brigands sur la route, qui surgissent tout armés et dépouillent le flâneur de sa conviction. »