Laura Kasischke : Mariées rebelles

 
par Claude Chambard

Connue en France pour ses romans, Laura Kasischke l’est aux États-Unis pour sa poésie. Il aura donc fallu un sacré bout de temps pour qu’un jeune éditeur se décide – il faut à ce propos lire la brillante préface de Marie Desplechin – à publier la traduction de son premier volume de poèmes – Wild Brides –, qui date de 1992. Louons donc Agnès Mantaux et Jean-François Planche d’avoir fait confiance à Céline Leroy (déjà traductrice de deux romans de la native de Grand Rapids dans le Michigan) et de nous donner ces pages toutes neuves dans notre langue, comme l’écho solide d’un temps qui n’a ni passé, ni futur, mais un présent perpétuel. Et si les poèmes sont forts c’est que la traduction réussit à rendre les voix, les couleurs, les sensations, les sons, l’incessant tourbillon de la vie et de la mort. Les thèmes habituels de la romancière sont là, mais le poème les condense, non pas en les rétrécissant mais tout au contraire en leur donnant une ampleur neuve, comme si en s’agrégeant, en se cristallisant, mots et thèmes créaient un nouveau monde, plus ample dans sa concision. « Essaye de rester en vie jusqu’à ta mort », pas si simple n’est-ce pas, surtout si « Va-t-en déjà dès à présent mon amour avant de t’en aller à jamais / Avant que tu ne sois plus vieux, plus triste, plus malade ». Tout l’univers de l’auteur de A Suspicious River ou de Esprit d’hiver est condensé ici avec une puissance rare. C’est que Laura Kashischke ne se préoccupe pas de hiérarchiser entre roman et poésie, il s’agit d’écriture, du fait même d’écrire, de travailler la métaphore, les images, les sensations, une véritable affaire de langue, le grand mystère de la création, une façon d’épiphanie. Ces poèmes sont indispensables comme le sont ceux de Raymond Carver à qui on pense souvent, non pas comme imitation mais comme partage d’une vision du monde, juste et claire.




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Préface de Marie Desplechin
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy
Page à Page
192 p., 15,00 €
couverture