par Philippe Di Meo
Prémonitoire, écrit en 1933, l’année de l’accession des nazis au pouvoir, ce recueil de poèmes unitaire constitue une épopée du peuple juif à travers les persécutions dont il a été l’objet. Le titre lourd de sens en résume d’une certaine façon la singulière parabole historique entre tragédies répétées et volonté de vivre. Destin où la mémoire joue les premiers rôles dans cette volonté de durer.
Le cycle se compose de sept poèmes : la chute de Samarie (722 av. J.-C), l’exil à Babylone (539 av. J.-C), le synode de Jamnia consécutif à la destruction du second temple de Jérusalem (an 70), les persécutions perpétrées par la première croisade (1096), l’expulsion des juifs d’Espagne (1492), les exactions des cosaques au XVIIIe siècle, les pogroms autour de l’année 1905 en Russie.
Le style, surprenant chez un tenant du minimaliste complice de Louis Zukofsky et parangon de l’objectivisme, est celui du récitatif, exclamatif, tour à tour invocateur et interrogatif d’une musique lancinante. C’est que le sujet choisi, un sujet collectif historique, n’aurait probablement pas pu être traité autrement. La traductrice nous informe dans une courte note finale que le poète emprunte à l’ancien testament et à l’historien ruthène Nathan Nata Hannover (1620 ?-1683), talmudiste et kabbaliste.
Pour se faire une idée des registres de Charles Reznikoff, le lecteur pourra prolonger cette lecture par celle de Sur les rives de Manhattan chez le même éditeur.