par Hervé Laurent
On dit volontiers d’un poète : C’est une voix. Cécile Mainardi, prenant l’expression au mot, entreprend d’écrire la sienne et se heurte à d’immédiates apories, telle celle-ci qu’on n’entend pas sa voix. Que vaut le projet de rendre compte d’un objet que l’écriture absente ? Histoire de sourds, l’histoire de cette voix qui est inaccessible aux oreilles des lecteurs et passe sans laisser de trace à travers le filtre des mots. La suite de fragments, en quoi consiste ce bref opuscule au titre si long, est lacunaire (il manque des numéros), embrouillée (l’ordre numérique n’est pas respecté), son allure arbitraire. Elle affole la chronologie, butte contre d’adverses métonymies. Mais Cécile Mainardi n’est pas du genre à se laisser intimider par les oxymores et autres paradoxes, elle les remodèle avec les outils bricolés ou sophistiqués, magiques ou prosaïques, qu’elle puise dans son arsenal exopoétique1. Cette Histoire, aussi émouvante soit-elle, est donc également un document de travail dans lequel sont décrites, de façon précise et enjouée, les tentatives de l’auteur pour donner un corps à sa voix, la restituer, même si, pour finir, ce n’est que par éclats – s’agissant de voix on pouvait s’y attendre…
36 p., 4,00 €
1. Depuis toujours, Cécile Mainardi prolonge son travail d’écriture (et, ce faisant, le fragilise, l’excède, l’entrave, le déborde, le détourne) par un ensemble de pratiques qu’elle qualifie d’exopoétiques et qui relèvent de la performance, de la lecture performée, du happening, de l’installation sonore, de la vidéo, et de tout autre procédure susceptible d’étendre et de renouveler le champ de l’expression poétique.