Erwann Rougé / Magali Ballet : L’enclos du vent

 
par Tristan Hordé

Les photographies de Magali Ballet (qui a déjà accompagné plusieurs recueils d’Erwann Rougé) suggèrent sans représenter : paysages, arbres comme pris dans la brume, corps comme perçus dans la presque obscurité. Les poèmes, à leur manière, répondent à ces visions éloignées de toute représentation et suggèrent au lecteur de deviner ou d’imaginer. Erwann Rougé a inventé des variations sur le vent, devenu sujet entier et qui semble avoir un corps (un œil, un équilibre impossible) et empêche toute chose d’être immobile. Toujours présent, il s’accorde complètement avec ce qui constitue le paysage, par exemple avec la verticalité de l’arbre. Il sait traverser l’orage et, très fortement, montre la plus grande connivence avec les oiseaux les plus variés, liés par nature au « souffle » et qu’il porte : l’épervier, la buse, les vanneaux, le pipit.

Dans le paysage dessiné par Erwann Rougé, la mer est proche – on y suit le chemin des douanes, on y voit des dunes –, et tout autant le bois, la lisère, mais de sorte que rien de ce qui est proposé ne soit figuratif : les images, abondantes, l’interdisent. De manière analogue, le corps féminin est à peine esquissé par ses gestes et fragmenté (comme le donne la photographie), la nudité imaginée comme « sur l’encolure des oiseaux ». C’est d’ailleurs souvent l’absence de l’Autre qui est évoquée (« il y eut quelqu’un ») plus que sa présence, par des allusions et un vocabulaire propre à la relation amoureuse – répétition du mot « intime » ; « le feu », « la brûlure », « les cendres » – qui illustre « cette commotion d’aimer ».

De même que Magali Ballet ne retient que quelques éléments du paysage, Erwann Rougé, dans des vers très courts, isolés ou groupés par deux, reprend dans des combinaisons variées quelques mots autour des deux thèmes qui se mêlent, le vent et le corps. Lorsqu’il s’en écarte, il s’éloigne d’un paysage rêvé avec sa « chevelure de ronces » ou « la soif du bois » pour reconnaître « l’étrangeté entre la pierre et l’air » et faire apparaître que « l’ombre portée rassemble ses morts / étoupe la faille du temps ».




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Isabelle Sauvage
« Ligatures »
64 p., 18,00 €
couverture