par Jean-Pascal Dubost
D’une certaine manière l’éditeur a œuvré à la manière Ohl en faisant suivre le dernier recueil écrit par l’auteur de son premier livre publié, en faisant suivre la poule du lapin ; un petit amusement d’édition subtil et raffiné, si on lit les deux titres à la queue leu leu : la poule pond suivi de Sonica mon lapin ; c’est du Ohl. Donc l’hommage, discret, est bel. Adoptant le coq-à-l’âne azimuté, Michel Ohl pratiquait l’irrégularité de langue « en une langue incorrecte de justesse » dans une lignée ubuesque, et on ne doutera pas que « Crote ! J’ai fait une faute » soit un écho sonore humble au merdre royal bien connu (la crote est modeste, de moindre taille que la merdre). Michel Ohl fut un écrivain au désespoir raffiné, écrivait des textes à fragmentations : lancés dextrement, ils explosent avant d’atteindre leur cible (le lecteur) qu’ils ne cherchent pas à atteindre (Michel Ohl écrivait pour le principal plaisir d’alimenter son désespoir de vivre jusqu’au plaisir). Une ivresse gargantuesque, un délire ubuesque, un humour mauricerochien (« Il ne m’arrive jamais rien. J’arrive toujours avant »), une bouffonnerie verbale verheggenienne (« Mon cocoricogito : je pense, donc je suis français ») et une aphoristique cioranesque (entre autres) illimitent une écriture vertigineusement palimpseste et drôle, sous l’empire d’une imagination gourmande et vaste (« mon imagination est nombreuse ») qui fuse d’une phrase à l’autre, calembouresquement. L’omniprésence de la mort, là-dedans, teinte le tout d’un humour joyeusement macabre. Les deux ouvrages se suivent de loin dans le temps, mais se ressemblent de près ; ne diffère que la forme, qui est quasi secondaire, ou du moins prétexte. Ineffable fabulateur de la langue, dégisant ladite (française), Michel Ohl pouvait ainsi et à sa guise recracher les couleuvres avalées, comme : la poule pond.