par Jean-Pascal Dubost
Quelque chose de la vie ordinaire et des regrets des neiges d’antan de l’enfance, mis en complaintes et sur des rythmes anciens et sans lassitude, court en ce nouveau livre posthume de l’écrivain, disparu en 2014. Les poèmes écrits en 2011, au cœur de la maladie, sous la menace de la mort, brûlent d’une urgence calme, mais compulsive, sans apaisement ; « écrire très vite avant / de passer la plume à gauche » (Jean-Claude Pirotte était écrivain jusqu’au bout des ongles). Le poète regarde en arrière, plonge dans sa mémoire pour retrouver des sensations passées, issues souvent de l’enfance, effectuant un travail de fixation par les mots, et comme si, à l’approche du terme de la vie, le début de la vie remontait à la surface pour atténuer la douleur de ce qui se profile. C’est pourquoi s’entend une musicalité nostalgique et mélancolique, gris blême, faisant état de l’effroi, non sans une certaine goguenardise, « je suis malade comme un chien / ce n’est que justice il est bien / que je meure à très petit feu / afin que bouffi de défauts / je sois maudit chez les défunts », « la maladie est plus vivante / que le malade cependant ». Certes, Jean-Claude Pirotte se désintéresse de la modernité poétique, et se moque du suranné de sa poésie, voire s’en amuse jusqu’à la contradiction (le rimeur écrivant : « je ne cherche plus la rime / au contraire je la chasse / et je lui impute le crime / de m’égarer dans l’impasse »), et vrai que là n’est point la question ni le débat. Un homme, urgemment, note en vers, dans la compagnie d’écrivains protecteurs (Perros, Valet, Mac Orlan, Frénaud, Venaille, etc.), conscient de se diriger « vers [sa] propre béance », se raccroche à la poésie pour un possible pied de nez posthume fait à la vie, et fait état (des lieux) de sa vie (et des ses plaisirs – le vin par exemple), et ne prétend à rien d’autre.
192 p. 18,00 €