par Claudine Galea
Si on connaît bien Le Palais de Glace et Les Oiseaux de l’écrivain norvégien, un peu moins ses autres romans, on ignore tout de son théâtre. Les éditions La Barque publient deux pièces qui ont toutes deux été enregistrées à la radio. L’une est une œuvre de jeunesse, l’autre de la maturité.
On retrouve dans son théâtre l’art du romancier. Celui de laisser dans le silence le pourquoi des choses, et celui de dire ce qu’on ne dit pas normalement. L’étrangeté du monde de Vesaas vient de ce hiatus qui tient en haleine et qui n’explique rien. Pluie dans les cheveux : trois filles amoureuses de garçons qui ne le sont pas, une nuit d’été dans la forêt, accompagnées par la bruine. Métaphore d’un désir qui irrigue les dialogues et fait frissonner les corps. Extraordinaire pamphlet anti-guerre (à la veille de la montée du nazisme) pour Ultimatum où cinq jeunes gens à la veille du conflit sont déchirés dans leur vie intime. Pamphlet sans discours, c’est l’art de Vesaas. Tout se joue dans les relations amoureuses entre les filles et les garçons, et c’est sidérant de justesse.
Un mélange de retenue et d’insolence, une façon de ne jamais dire ce que l’on attend. De se risquer sans crainte tout en observant une délicatesse extrême. « Quand on marche avec toi, Valborg, on ne sait jamais ce qui peut arriver ». C’est exactement cela, lire Vesaas, se risquer dans l’inconnu, dans la complexité des choses.
L’écrivain emploie l’italique pour attirer l’attention sur des déplacements, des déséquilibres, des questions. Le sens chez Vesaas reste ouvert, l’inquiétude est indissociable du fait de vivre. Peu de réponses, mais des états et des paroles. Et l’attente d’être entendu, qui crée une empathie profonde avec les lecteurs, auditeurs, spectateurs dont le théâtre norvégien actuel, Jon Fosse par exemple, s’est emparé.
D’une modernité incroyable.
144 p., 23,00 €