par Mathieu Nuss
Peint en 1493 et conservé au musée du Louvre, « L’autoportrait aux chardons » d’Albrecht Dürer sert de point de départ au livre éponyme d’Hisashi Okuyama. Habitué des livres-poèmes à plusieurs voix, celui-ci n’échappe pas à la règle, qui est un principe de composition chez ce poète.
Un simple et placide étonnement, sans cesse renouvelé, guide le lecteur à travers le poème du début à la fin, dans la minutie de ses détails, dans « l’art secret de la perspective » qui, de fil en aiguille, précise la mise en voix. Plusieurs voix s’accomplissent ici (matérialisées dans les pages du livre par des polices de caractère différentes), et le lecteur devient rapidement auditeur. Glissendi, contrepoint, rythmes pointés, effets spectraux, c’est tout l’attirail d’un compositeur qui se presse aux portes de la cuisine poétique de Hisashi Okuyama. D’entre ces filets de voix, d’entre les motifs qui s’entremêlent (les mêmes souvent d’un livre à l’autre, citons par exemple « l’y », « la fugue », « le lilas »), on participe à une plongée dans un espace / temps qui est aussi ici le temps qui passe des siècles durant sur l’espace de la peinture « iconique ». Ce n’est pas le temps d’une expérience vécue, avec ses tensions et ses soucis, mais plutôt le temps d’un rite qu’on célèbre, le temps d’un événement dont les images s’égrènent, sans qu’on puisse réellement s’en approcher et les saisir.
Volume non paginé contenant un CD, 20,00 €