Christian Vogels : Iconostases

 
par Ludovic Degroote

Par tradition, la poésie aime introduire de la mobilité dans les formes, y compris lorsque celles-ci semblent fixées, comme le sonnet. La mobilité, qui combine élasticité et possible, est un dérivé de la rupture, elle-même constitutive de la poésie. Écrire, ce n’est pas pour autant fixer une forme pour la déjouer, mais cela peut devenir, d’une certaine façon, un mobile. Par exemple, se fixer un espace, y organiser des suites de mots de sorte que les lectures en soient démultipliables, voilà une manière de construire de la poésie, puisque cela incorpore les ingrédients que nous avons posés : c’est ce que fait Christian Vogels dans ses cinquante iconostases : des poèmes dont les vers, très courts et séparés par une ou plusieurs interlignes, sont placés par colonnes (de 3 à 7) et par lignes (de 4 à 19) dans un format carré in-quarto : voilà pour la description qui offre à chaque page un objet visuel et variable ; certains prennent une allure d’étoile, de papillon, ou d’une géométrie calibrée : qu’importe ces images même si elles renvoient aussi au titre du recueil1. Ici le blanc semble imposer une force intérieure à l’espace du poème, là le texte donne l’impression de le saturer. Le tour de force, car il s’agit bien de cela dans l’autre combinaison, est de permettre de lire ces vers ou ces blocs de vers dans tous les sens : ce qui ouvre, on l’aura compris, les sens du poème. Certes, des thématiques se retrouvent d’une page à l’autre : présence du réel, intériorité, spiritualité, érotisme, réflexion sur la langue, etc. – mais la démultiplication des lectures imbrique et enchevêtre ces thèmes et le poème semble écrit à plusieurs étages. Cependant on n’est ni dans l’espace oulipien ni dans l’artifice des grands rhétoriqueurs. Il faut noter le travail de l’éditeur Jacques Brémond pour le soin apporté à la mise en page de ces poèmes et le choix d’une couverture chiffon dont l’épaisseur annonce la singularité du livre.




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Jacques Brémond
108 p., 25,00 €
couverture

1. Sens étymologique : eikonostasion : « images dressées » ; sens moderne : cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les églises de rite byzantin, particulièrement orthodoxes, sépare les lieux où se tient le clergé célébrant du reste de l’église où se tiennent le chœur, le clergé non célébrant et les fidèles (source : Wikipédia).