par Christophe Stolowicki
Dans un entre-deux métaphysique de solécismes franco-américains détourée de Babel, tramée par Alexander Dickow une rhapsodie curieuse de kakis à déguster comme on ne connaît plus la pomme : sur le mode biblique où textuellement l’interdit, goûteusement l’intraduisible circulent, caracolent entre les langues.
Démonstration magistrale en un idiome appris, traduction à larges coudées, que tout s’assemble, se distend et se ressemble par la vertu de quelques écarts de poésie contemporaine dont éclosent des fruits joyaux d’hespéride inverse – prédateurs nains fraternels tapis dans une jungle du Douanier Rousseau.
Fourrager dans cette langue drue et dans son lâcher prise, reconnaître le bien fondé dans l’infondé, le biblique dans le chamanique, bâfrer ses pommes de concorde échancrées de miel et de sang, ses fruits érudits dont les tanins arrondissent à maturité l’amertume.
À contre-courant mieux qu’« au fil du vau l’eau » apposés désinences et suffixes « en faisceaux de chantises et de sentirs » et prise d’aises, « la part d’intraduisible » levée en « traîtres mots » – affleurent flottent en parataxe plus fertiles les associations.
À la parade de tous les sens en un, le gustatif, celui du fruit permis, une galimafrée douloureuse, une gargantuesque compotée de langue entrouvre les brèches où s’engouffre à même le velouté des mots l’exotisme d’être.
Les inflexions traînantes de Lester Young, précurseur du cool, moqueusement ramassées à coups d’archet, de cutter par Sonny Rollins, alentissent, décomposent les harmoniques de l’entre-deux langues en distorsion de syntaxe d’Alexander Dickow.
64 p., 8,00 €