par Antoine Emaz
Livre surprenant dans son seul désir de poursuivre, en une cinquantaine de courts poèmes en prose, cette intuition de justesse (de beauté ?) qui nous fait dire parfois, face à quelque chose (objet, végétal, animal, paysage…), « c’est ça, c’est exactement ça ». Comme si la chose avait atteint sans raison, à ce moment et pour ce moment, un fragile point d’existence parfaite où elle correspondrait idéalement à elle-même. Albarracin ne philosophe pas, il collecte ces minimes révélations heureuses qui trouent le banal : un verre d’eau, un vol de corneilles, la lune, un banc de jardin public, des tourterelles, la lampe, un vieux mur, une assiette… Ce n’est que cela, oui, mais dans l’instant c’est lumineusement cela, dans une sorte de brusque plein d’être, sur lequel l’expression vient buter jusqu’à la tautologie : « c’est surtout que c’est » (p. 24), « c’est cela que cela » (p. 27), « c’est cela cela » (p. 35)… Poésie d’une expérience, et qui s’y tient, assumant son aspect fugitif, fragile, et la difficulté du langage pour isoler ce je-ne-sais-quoi, « cela » qui nous laisse heureux même sans prise sur cette émotion face à une plénitude minuscule, sans durée, mais évidente.
64 p., 12,00 €