Franck Doyen : Collines, ratures

 
par Jean-Pascal Dubost

Une présence narrative observe les « éclats, restes de paysage et de lumières », d’une réalité, celle d’un hameau dans les montagnes, dont l’activité principale est l’élevage de bestiaux (comme diraient les anciens paysans). Cette réalité remontée d’un temps incertain, figée dans un non-temps passé, est issue-hissée des profondeurs du corps de qui écrit les poèmes dans sa mémoire avant de les poser sur la page. C’est une présence très absentée qui nous invite à regarder ce qui fit et fait la langue du poème dont elle use, à la fois rugueuse et douce, née dans la proximité animale, « vous apprenez le langage des bêtes plus sûrement que celui des humains », « que lentement vous mâchez, avec elles vous ruminez ». C’est un livre étrange, qui semble écrit derrière les yeux, l’oreille posée sur le flanc de montagnes et des bêtes, porté par un « vous » au statut indéfini, tantôt double du « je » absent, et son miroir lointain, tantôt l’autre, destinataire du poème (lecteur, choses, paysans). Ce livre est celui d’un poète dont les sens restent viscéralement ancrés à la terre et à son histoire1, à l’écoute du « langage sous le pied », qui opère un retour sans nostalgie aucune, et surtout pas, vers la « gaucherie des origines ».




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La Lettre volée
64 p., 14,00 €
couverture

1. Cf. Champs de lutte, Æncrages & Co, 2014