Dominique Meens : Mes langues ocelles

 
par Jean-Marc Baillieu

Il y aurait (comme) du signifiant dans la nature (du signifiant naturel ?) et Dominique Meens, « écrevisse (…) parmi les écrivassiers de l’époque » et « des plumitifs le plus fumiste » (p. 269) vise à nous le (dé)montrer. Premier opus de « Du signifiant dans la nature », Mes langues ocelles précède L’île lisible (annoncé p. 82) : à Oléron, notre auteur se propose de lire les dessins des vagues sur le sable : le titre n’est pas terrible et le projet apparaît un peu casse-gueule, contrairement à cet opus-ci, réussi (le précédent, Dorman, après la bonne série des Aujourd’hui…, ne nous avait pas convaincu). D. Meens reprend (p. 305 : « reprendre » « plutôt que poursuivre ») la veine ornithologiste qui fit sa réputation, veine « augmentée » et/ou affinée depuis le premier ouvrage paru en 1995 (chez Allia). Pour cette « traque en un certain nombre de clameurs » (p. 319), des lectures : « quel lecteur est D.M. ? » est une judicieuse question à laquelle l’index « des noms de gens » (p. 367-374) ne peut répondre qu’hic et nunc et pour les plus cités : Baudelaire, W. Benjamin, T. Bernhard, Buffon, Coleridge, Hocquard, Keats, Khlebnikov (p. 10 : « Que nous ne sachions pas le russe ne nous empêche pas de nous y mettre. ») ainsi que Lacan, pilier récurrent. Peinent à circonscrire le coriace rossignol les chapitres 2 et 3, inégaux du fait de poèmes (p. 43-52) et de dialogues (p. 60-81) un peu verbeux ainsi que de (trop) nombreuses et (trop) longues citations (p. 120 à 170). Ce n’est pas le cas pour la grive, chapitre 4 impeccable, tout comme les concis chapitres 5 (« qu’est-ce qu’une langue ocelle ou pas »), 6 (« la conjugaison du verbe en merle ») et 1 (où d’emblée l’auteur envoie au tapis la critique mortifère). Le livre est structuré, notamment via des « gloses » (datées des mois du calendrier révolutionnaire) et des « notules » (terme inapproprié à de telles digressions) comme le montrerait une Table des matières absente de cet ouvrage qui se termine par le livret d’une radiophonie (dans la tradition des A.C.R.) diffusée par France Culture. Participent à l’attrait du livre beaucoup de « je » et de « nous » de majesté, mais non dénués de conscience d’horizon et de recul auto-critique : « je tarde trop » (p. 271) ou « Je me trouve là pris à mon propre piège » (p. 265). Notons enfin que sur le site de l’éditeur, le madré D.M. présente avec brio ce livre dont il lit un extrait.




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Prodromes
P.O.L
382 p., 21,00 €
couverture