Nicole Caligaris : Les Samothraces

 
par Bruno Fern

Déjà édité en 20001, cet ouvrage reparaît sous la forme d’un livre-objet en 90 volets où figurent d’un côté le texte de l’auteur et de l’autre une œuvre photographique de son frère, Éric Caligaris, composée à partir de 1166 photos de migrants2 – et il n’a rien perdu de son actualité puisqu’on voit encore trop souvent sur les écrans cette « masse flottante, secouée de lames fortes qui [viennent] se briser contre les portes du guichet fermé », masse d’où émergent ici trois femmes qui veulent fuir loin d’un lieu où la vie leur est devenue impossible. Voici donc le récit de leur voyage (dont le contexte historique reste indéterminé), au cours duquel elles courent des dangers de toutes sortes, parvenant à survivre jusqu’à l’arrivée, non sans en être profondément marquées. En évitant les travers de l’écriture dite engagée, Nicole Caligaris entrelace les différentes voix à la manière d’un livret d’opéra3. Pour cela, elle joue subtilement avec la typographie, multiplie les registres de langues et les références, de la mythologie à laquelle renvoie le titre (« Est-ce que je suis un marbre blanc, pour soutenir tout ce rocher comme ça, alors que je suis à bout ? Non, je suis une victoire ailée, mon envol se prépare ») aux auteurs les plus divers, de Léon-Paul Fargue à Pierre Bourdieu.




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Photographies d’Éric Caligaris
Le Nouvel Attila
Leporello de 14 x 28 cm dépliable sur 6,60 m de long,
27,00 €
couverture

1. Au Mercure de France.

2. Un tel choix renvoie à deux ouvrages : Stèles de Victor Segalen et la Prose du transsibérien de Blaise Cendrars et Sonia Delaunay.

3. Le sous-titre du livre est « Voici le dit de celles qui mènent le chœur des migrants ».