par Franck C. Yeznikian
Écartons d’emblée toute confusion à propos du titre de cette épopée allégorique avec ce qui viendrait y résonner dans une partie de notre triste actualité. Tout au contraire, le mot d’ordre, sinon ce soulèvement constant qui draine l’encre de ce poète, enfant de la Révolution française, est bien à l’endroit de la doctrine de la liberté et d’une démocratie encore difficile aujourd’hui à préserver comme à parfaire. Jean Pavans nous livre ici une transcription telle qu’il l’énonce dans sa note sur la version française : Je parle de transcription car l’exercice dans mon esprit est similaire à celui de transcrire pour le clavier clair, égal et tempéré de la langue française une partition conçue pour orchestre foisonnant… Son tour de force réside à la fois dans la propre contrainte qu’il s’est imposée dans cette vigilance au mètre qu’il nous restitue à travers une autre carrure composée en 8 strophes scandées par l’alexandrin concluant le poème avec 2 strophes contractant l’alexandrin alors final chez Shelley via une liquidation ou strette en octosyllabes1. La notion de réduction telle qu’on l’opère en musique en passant d’un grand effectif à une version pour piano par exemple se retrouve exemplairement magnifiée dans la beauté et la violence des images que Shelley aura écrites en grande partie dans une embarcation solitaire sur les flots de cet élément abyssal qui l’emportera. Dandy-Punk ou anarchiste2 d’avant l’heure mais à l’inverse de l’image violente que l’on pourrait croire, ce romantique accompli pour la paix3 n’aura presque rien laissé sous le coude d’une compromission, sa vie traversée. Lui-même traducteur et donc passeur mais redoutant que son propre vers puisse être possiblement traduit4, ce mot de revolt qualifie et désigne l’éthique d’une doctrine de la liberté et de la justice exemplaire qui aura donné une structure immanquable aux effluves constantes de son inspiration. Il est cependant toujours sidérant de vérifier combien la présence de la flottaison, des bateaux, barques, esquifs, jusqu’aux épaves dans sa poésie cristallisent l’ultime mouvement et lieu de ce qui sera son dernier souffle. Cette œuvre enfin retraduite est essentielle pour mieux comprendre le dessein de ce révolté tourné vers l’amour et la liberté. L’écrin que lui offre cette transposition dans la langue française est incontestablement remarquable.
Traduction de Jean Pavans
Édition bilingue
Gallimard
« Poésie »
624 p., 12,90 €
1. structure dans l’original : 8 strophes en décasyllabe conclues par 1 alexandrin.
2. L’année suivant le remaniement de Revolt of Islam voit le jour le poème politique The Masque of Anarchy (1819) dont les membres du collectif et groupe anarchiste C.R.A.S.S. en Angleterre n’aurait pas renié l’étendard pacifique.
3. … le détrônement non sanglant des oppresseurs, et le dévoilement des impostures religieuses poussant à la soumission … in préface de poète.
4. On trouvera dans cet ouvrage faisant suite à la préface et à cette série de peintures constituée de XII Chants, la traduction d’une note conclusive de la main de Mary Shelley.