par Létitia Mouze
Poète-paysan russe du début du XXe siècle, Sergueï Essénine a mené une vie brève et agitée de voyou qui s’est terminée par un suicide ou un assassinat politique. La présente édition, bilingue, réunit un choix de poèmes qui couvre son existence. La nature et la campagne russes y sont omniprésentes : l’œuvre d’Essénine est un hymne à cette patrie qu’il désigne en général de son vieux nom russe. Le lyrisme nostalgique qui habite ces vers réguliers, rimés (la traduction est également rimée), n’a rien de mièvre : la précision concrète, les réalités prosaïques, les termes populaires, les images qui prolifèrent, ironiques, insolentes, confèrent à cette poésie musicale tension et puissance nerveuse. Elle surprend, malmène le lecteur par ses innovations poétiques, ses saillies, ses violences. Si les événements biographiques y transparaissent assez peu tels quels, elle n’en porte pas moins la marque d’une vie iconoclaste. Les bouleaux, les saules, la lune y côtoient les troquets, les malfrats et les putains. Dieu y est comparé à « une vache invisible ». Le poète adopte volontiers le point de vue des animaux. Tendu entre lyrisme, absence d’espoir et dérision, il fait résonner une voix libre.