Jean-Pierre Bertrand : Inventer en littérature

 
par Tristan Hordé

Jean-Pierre Bertrand, qui enseigne à l’Université de Liège, a beaucoup étudié la littérature des XIXe et XXe siècles, en particulier la poésie, du romantisme au surréalisme, et Inventer en littérature s’inscrit dans un ensemble de recherches. Il s’agit ici non seulement de retenir les « inventions [...] instituées comme telles dans le discours », mais de se demander pourquoi il y a invention de formes nouvelles, donc rupture avec le passé et essai de construire une esthétique nouvelle. Bertrand établit une relation entre les progrès technique et scientifique et l’invention dans le domaine de la littérature, soucieux en se référant à l’histoire des sciences de « dégager les processus de production du neuf en littérature ». De ce choix naît un livre passionnant, qui déborde la seule étude des formes inventées, qu’il s’agisse du poème en prose ou du vers libre ; on suit notamment la manière dont la littérature se dégage progressivement, au XVIIIe siècle, de la notion de belles-lettres, les relations entre invention, découverte, histoire, crise, originalité, progrès, technique, forme, le fait que la littérature devient une « aire de compétence » en même temps que vient au jour « la figure (ou la posture) de l’écrivain ». Quant aux formes inventées – le poème en prose, le vers libre, le monologue intérieur, le calligramme et le poème conversation, l’écriture automatique – elles sont très précisément visitées et commentées, amenant le lecteur à réfléchir sur la portée de chacune ; je retiens par exemple ce qui est dit à propos du vers libre : « ce qui s’est amorcé avec l’invention du vers libre et de la crise qu’il a déclenchée, c’est un imaginaire de la poésie qui a perduré tout au long du XXe siècle ».

Il est impossible de résumer en quelques lignes un ouvrage qui renouvelle le regard sur les formes poétiques nées depuis deux siècles. Il faut insister sur sa lisibilité, ce qui n’est pas chose si courante dans les publications universitaires ; certes, on doit connaître la littérature publiée depuis Baudelaire, c’est bien le moins, mais Bertrand remet en mémoire bien des textes par de nombreuses et longues citations – et le lecteur est récompensé par la rigueur et la finesse des analyses. À mettre dans les bibliothèques de tout homme cultivé, comme on disait autrefois.




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Du poème en prose à l’écriture automatique
Seuil
« Poétique »
264 p., 25,00 €
couverture