Les éditions Arfuyen proposent ici la publication du dernier manuscrit d’Alain Suied établi par ses soins, avant celle d’inédits. On y reconnaîtra cette « fidélité de source » ou encore ce « souci de vérité dans son déploiement soutenu » dont parle André du Bouchet dans deux des trois lettres inédites publiées en préface du recueil. Et de fait, c’est cette parole auprès d’une Origine perdue mais persistante comme la lumière d’une étoile disparue qui résonne ici : « le désir se souvient / du lieu désert / de l’origine (…) au royaume du rêve d’un paradis premier » (p. 73). Nous vivons dans la présence comme dans un rêve, dans un mauvais rêve souvent, cette présence n’étant de fait que l’illusion qu’a de soi l’absence foncière qui fait le fond de l’existence, laquelle est animée par un désir qui la soulève, qui la hausse au-dessus d’elle-même, heureusement, mais pour un temps seulement. « La défaillance » (p. 130) nous précède et nous constitue, une « primitive blessure » (p. 133) nous torture secrètement, essentiellement, mais, assumant cette condition, passant outre aux mirages de la présence, nous découvrirons « l’éternel et impossible amour muet / qui donne sans retour et guérit » (p. 139). Cet amour muet, cet « appel », donne l’envie de relire Roger Munier en contrepoint de ce recueil douloureusement lucide.