par Narciso Aksayam
L’art du Lexicon ne serait-il pas l’aboutissement exact de la pensée conceptuelle ? François Jullien, dont le style philosophique abonde justement en périphrases et reformulations, tente de ressaisir en une vingtaine de fiches terminologiques les articulations en lesquelles aura consisté sa carrière de pénétration dans la pensée chinoise. Autrement qu’une juxtaposition alphabétique d’entrées, c’est un réseau de notions nouées les unes aux autres qu’il restitue, en présentant chacune en couple avec la notion européenne par rapport à laquelle elle se définit, et ainsi d’autant mieux dessiner le biais par lequel elle s’en démarque. « Propension » (vs. « Causalité »), « Disponibilité » (vs. « Liberté »), « Influence » (vs. « Persuasion »), « Biais » (vs. « Méthode »), « Entre » (vs. « Au-delà »)… – grappe d’infimes déplacements conceptuels dont la stratégie, très heideggérienne, opère un insensible glissement de configurations sémantiques, qui sont autant d’actes de compréhension ordinaire des événements, c’est-à-dire de postulats pour nos existences. S’ouvre alors un aperçu de Civilisation d’une autre présence, dont les matériaux ontologiques attendent la génération de poètes qui y puisera et y repensera sa pratique comme sa propre figure, transindividuelle.