par Christophe Stolowicki
Comment peut-on faire coexister sous un même volume Frédéric Tristan happant le souffle, nous narguant dans sa jeunesse sous le pseudonyme de Danielle Sarréra¹ et tourné romancier de Nouvelle Fiction, Rimbaud qui aurait réussi dans la vie ; Jean-Claude Bologne, lecteur viscéral aux ailerons rétractés² ; Amina Saïd, rhapsode de son entre-deux langues, par modestie demeurée dans l’en deçà de son œil d’aigle colombe ; Jean Portante dont « mon premier poète contemporain, ce sera moi » rend l’état de diffraction atomisée de la poésie contemporaine – et noyant ces alcools quelques litres de tisane, de gargarisme de faux niais brandissant poésie comme un sésame, un passe-partout, Guy Rouquet le maître d’ouvrage de l’enquête, raffolant de la chanson d’auteur compositeur³, Hubert Haddad au surréalisme mou de troisième main, Werner Lambersy distendant la lyre de points d’exclamation poétiquement corrects, de carriéristes dont je tairai les noms recevant, décernant, fondant, présidant des prix Mallarmé, Max Jacob, voire Max-Pol Fouchet comme s’ils couraient celui de Diane. Oui, comment ? Par leur relatif point commun, le discutable poncif à l’ancre depuis Gide et Proust : balbutier poète, s’accomplir romancier. Et si le salut de la poésie consistait à l’inverse ?
1. En quelques décennies dévoyée à n’avoir écrit « pas des poèmes, mais un canevas romanesque, un préambule à toutes fictions. »
2. « Je parcours le champ de la poésie sans chercher à le labourer […] Je le lis et ne l’écris plus. »
3. Sous prétexte que « le temps n’est plus où Victor Hugo interdisait que l’on déposât de la musique au pied de ses vers. »