Paul Fournel : Le Bel Appétit

 
par Jean-Jacques Bretou

Mémoire et littérature sont intiment liées. Qu’il s’agisse de simples souvenirs ou bien de nostalgie. Il suffit de rappeler l’effet de l’épisode de la tasse de thé chez Proust. Le goût de la madeleine trempée dans le breuvage fait émerger chez le narrateur tout un pan de sa jeunesse. C’est un souvenir gustatif qui est le déclencheur. Avec Je me souviens, l’oulipien Perec entreprend, à l’aide de courtes citations de faire remonter de sa mémoire des fragments du passé. Paul Fournel utilise lui pour ses « remembrances » les mots veau, boudin, blanquette, lapin, huître, daube. Ce sont aussi des souvenirs gustatifs, pas moins noble que la madeleine et le thé, et accommodés à la mode oulipienne. Car, en effet, les recettes, déjà en quelque sorte souvenirs des plats puisqu’elles permettent de les recomposer, nous sont dites sous les formes contraignantes du sonnet, de la villanelle, du pantoum, de la térine, de la ballade ou du rondel. Rappelons, pour le plaisir, que le pantoum que Fournel consacre ici à la patate est un poème d’origine malaise à forme fixe. Adapté en France par les poètes romantiques, il est composé de quatrains à rimes croisées, dont le deuxième et le quatrième vers sont repris comme premier et troisième vers du quatrain suivant. Un autre très bel exemple de pantoum qui, lui, est mieux connu est Harmonie du soir de Baudelaire. On l’aura compris avec ce très beau livre où la sève des légumes se mélange aux jus des viandes, les mots simples aux formes compliquées, Fournel, alchimiste du diable, nous a concocté quelque chose d’irrésistible.




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P.O.L
214 p., 25,00 €
couverture