par Olivier Quintyn
Il faut saluer sans relâche le travail remarquable des éditions Anacharsis et d’Alban Bensa pour construire l’espace d’une anthropologie critique, dans le sillage de Jean Bazin et de Johannes Fabian. Qu’elle prenne la forme d’une critique wittgensteinienne du causalisme de l’anthropologie structurale, ou d’une interrogation sur la complicité idéologique d’un certain savoir ethnographique avec l’impérialisme occidental, cette anthropologie critique s’attache à la complexité du travail de terrain, tout autant qu’elle œuvre à sauver, en un sens presque benjaminien, les voix discordantes que l’écriture de l’histoire coloniale tend à oblitérer, puisque cette dernière est toujours écrite du point de vue des vainqueurs. La Guerre kanak de 1917, menée contre les autorités françaises et contre la conscription qui envoyait les populations locales mourir dans les tranchées de la Somme au nom de la République, constitue un point aveugle de cette histoire calédonienne. En jumelant des travaux de contextualisation à des poèmes épiques versifiés, qui ont recueilli et transmis la mémoire kanak de ces conflits, ce livre s’appuie à la fois sur l’ethnopoétique et l’anthropologie diachronique pour réélaborer la possibilité d’une transmission.
Récits traduits du paicî par Kacué Yvon Goromoedo et Alban Bensa.
Anacharsis
« Essais »
720 p. + 1 CD, 30,00 €.