Le Salon

 
par Chandramukhi

Ça faisait longtemps que je n’avais plus vu Michel Leiris. Sur la question du travail, son évolution, sa fin annoncée, les manières pour les artistes de le revendiquer, de le mettre en scène, les textes sont sérieux et convaincus et la revue est si magnifique, avec son épaisse et solide reliure, que l’on ne peut qu’admirer cet enthousiasme, même si celui-ci puise son énergie à annoncer des fins. Des fins chiffrées d’ailleurs. En fait, et on pourra m’accuser de mauvais esprit, je me demande si un artiste doit savoir ce qu’il fait. Non qu’il pourrait être autorisé à être irresponsable, mais en revanche il y a quelque chose de froid, de désincarné à l’auto-analyse et au travail avec des grilles. Comme poétesse, je me méfie beaucoup des mots et surtout de ceux qui pensent vouloir dire des choses définitivement. Donc, pourquoi pas en effet parler à des philosophes, des sociologues, pourquoi pas. Mais la force, l’impact d’une œuvre, on ne la calcule pas, la prévoit pas, sinon ça s’appelle un plan média et c’est dans une agence de pub qu’il faut asséner sa bonne parole. « Ah, tu prends ton après-midi ? ». Pourquoi ne pas aller plus loin et prendre sa vie ? J’ai lu toutes les pages, je me suis souvenu de mes cours de latin, l’otium, le loisir, l’oisiveté qui, c’est obligé blablabla, s’oppose au travail. Je pourrai y aller de ma propre anecdote, il était une fois une collègue, tout à fait charmante et travailleuse et puis, un matin, pas là, pas venue, pas de réponse sur son portable, son profil Facebook inactif, plus de tweet, alors inquiétude, deux jours, puis colère de l’employeur, puis disparition sans un mot requalifiée d’abandon de poste, et une nouvelle employée charmante et travailleuse est arrivée. Ce qui n’est pas annoncé est plus fort que ce qui donne des signes avant-coureurs ou est expliqué. L’acte opaque, incompréhensible, voilà ce qui fait un bon mur de parkour. Les meilleurs moments de ce Salon auront été ceux d’écriture et non d’analyse.




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Le Salon
N° 7
« Du Travail ! »
Revue du centre de recherche I.D.E de l’École Supérieure d’Art de Lorraine
208 p. avec nombreuses illustrations, 20,00 €
couverture