par Emmanuèle Jawad
À la jonction de l’essai et du récit biographique, Berlin sera peut-être un jour1 s’apparente à un parcours personnel dans la ville rejoignant l’Histoire. L’espace est saisi dans ses transformations et ses strates, ses mutations temporelles, dans une ville plurielle « emblème de toutes les divisions », spécifique dans sa confrontation brutale à l’Histoire où « l’imaginaire y est constamment sollicité, la méditation politique relancée sans cesse », ville dont on « reçoit du pensable plus que du visible ». L’expérience individuelle de Berlin (séjours prolongés en tant que lieu de résidence et de travail, séjour temporaire dans un camp de la Jeunesse allemande libre en tant que « Jeune militant communiste français »…) se confronte, dans un travail de mémoire individuelle et collective, à une traversée des événements de l’Histoire (« Berlin (le nom, l’image, la réalité de Berlin) concentre ça : la matière déchirée du siècle »).
Dans une description dense et approfondie de la ville portée dans ses partages, quartiers, répartitions géographiques particulières (dans son rapport centre / banlieue notamment évoqué jusqu’au titre d’une section du livre « La ville dont le centre était un trou »), Christian Prigent étudie Berlin dans sa pluralité : Berlin d’Avant-guerre, Berlin des années 20, Berlin « (pur) temps historique », ville de strates historiques et de stèles, Berlin de 1961, des poètes et de la Stasi, Berlin de la chute du mur, Berlin des artistes, Berlin nature (lacs, parcs), Berlin consommateur, Berlin alternatif… Christian Prigent convoque ainsi la ville dans ses « sédiments d’Histoire » jusqu’à rendre d’un quartier, d’une place, leurs transformations au fil des périodes historiques (ainsi Potsdamer Platz). Des notes importantes d’actualisation sont apportées au bas des pages (notées 2014) rendant Berlin jusqu’à nos jours dans sa « capacité (…) à impulser de la pensée (une méditation sur l’histoire, par exemple) ».
120 p., 10,00 €
1. Une édition complétée et actualisée de Deux temps trois mouvements, Zulma, 1999.