Jean-Pierre Verheggen : Ça n’langage que moi

 
par Michel Ménaché

Trublion de la poésie, Jean-Pierre Verheggen, de recueil en recueil, multiplie les calembours et les brouillages polysémiques avec délectation. Ridiculum vitae, Le Degré Zorro de l’écriture, Opéré-Bouffe, Un jour, je serai Prix Nobelge, etc. sont quelques uns de ses titres de mots lestes… Sans doute, dans Ça n’langage que moi rend-il hommage à Prévert qui écrivait dans Hebdromadaire : « langagez-vous dans la narine et vous parlerez du nez. » Verheggen a la verve gourmande d’un Rabelais et pratique la jonglerie verbale déconcertante d’un L’Anselme ou d’un Devos. À ceux qui feraient la fine bouche ou tordraient le nez sur son humour potache, il réplique : « Vulgaire, et même souvent “vulgairheggen”, je vous le concède mais j’assume ! » S’il ne tourne pas sept fois sa langue dans sa bouche avant d’écrire, il la détourne, sans remords : « Faites la moue, pas la gueule ! » Il se gausse des titres et décorations, déclinant pompeusement son « Grand cordon ombilical », sa « Rosette académique de Lyon », etc. Dans les filets de ses pêches miraculeuses on trouve « un cabillaud honoris causa », « un gardon de café », « une lamproie au doute », « un hippocampe sur ses positions », « une écrevisse sans fin. » Nous faire avaler ces sornettes aquatiques, ce n’est pas la mer à boire, penserez-vous, mais gardez-vous bien de penser que sa posture de bouffon n’est qu’un divertissement de pacotille. L’auteur a plusieurs fois frôlé la mort et il a la faiblesse d’aimer la vie, le vin et les femmes, comme Omar Khayyam qu’il confond pardi avec « Homard m’a tuer » ! Aussi se plaît-il à défier la camarde en méditant sur l’âge et en conjurant les maladies vasculaires, les varices et autres bobos des derniers tours de piste : « j’ai beau continuer à faire le fanfaron, / je trouille à mort, j’angoisse à crever ! / Non pas que je la voie venir à l’ancienne, notre camarde, / avec sa longue cape funéraire / et sa grande faux pour nous faire couic cabèche […] Non, voyez-vous, c’est sa modernité / – que j’imagine technologique ! – qui me fiche la pétoche ! » Bref, j’aurais dû commencer par l’avertissement au lecteur : « De quoi ci-gît-il ? »




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Gallimard
120 p., 13,90 €
couverture