Pierre Parlant : Ciel déposé / Exposer l’inobservable

 
par Christophe Stolowicki

Un peintre, un photographe. Quand de revers en avers voir lie, noue la pensée en l’abyme d’un truchement.

Voir le benjoin, l’encens, la myrrhe. Voir, selon les catégories de la raison onirique, d’un cénotaphe se meubler le vide à la feuille d’or. Voir, entendre d’un « battement » d’ailes d’ange ainsi que de « paupière » naître à la couleur Duccio di Buoninsegna, un primitif siennois. Lire monté de Byzance le trecento déposer son ciel. Dans un coffrage à rabats de triptyque tombal esquissée sur l’envers la figure célèbre de Maestà en son retable, Pietà bientôt récurrente comme un thème de polar. La couleur pas inventée, définie : un lie de vin qu’en pointillé coud l’insolence d’une voix de tête et de grands fonds. Récemment dans Les courtes habitudes : Nietzsche à Nice¹, ici sous un ciel de Sienne comme l’anti-touriste fondamental, Pierre Parlant traque la pensée sur le motif. En virée nocturne automobile sans bouger de sa villa de location. Avec largesse. Elliptique à clins d’œil cyclopéens. Icebergs dans un verre de whisky carambolant les siècles avec la brusquerie raboteuse de l’exégète philosophe. Dans « une solitude inéluctable où se confondent enfin vitesse et position » irradiant de science moderne, d’un zoom de tapis volant rejoignant qui « ignor[ait] le point de fuite » ; à « qui le souvenir de l’image imposait d’oublier d’inventer la perspective géométrique. »

À l’autre extrémité du spectre un soleil couchant, « lumière sans origine, […] sans prise d’air, méconnaissable, filtrée, faussement orpheline », assèche tout lyrisme. Un « grillage à poules » constitutif maille le monde dans le désenchantement sinon de voir, de happer de vue. Longtemps après que l’impressionnisme eut préfiguré la peinture abstraite, tautologique la photographie impressionne la pellicule à même la peau humaine dans une série aléatoire². Au « plan d’occupation des êtres » le sol se dérobe. Semant des dispositifs, des textures, des fulgurances, la photographie aussi démonstrative dans ses veuvages qu’un texte de poète philosophe.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Ciel déposé
Image en couverture intérieure de F. Guétat-Liviani
Fidel Anthelme X
« La motesta »
64 p., 7,00 €
couverture
Exposer l’inobservable
Photographies de D. Bernard
Contre-Pied
32 p., 4,00 €
couverture

1. Nous, 2014.

2. À la manière des Combustions de Christian Jaccard, brûlis révélateurs d’une trame.