par Patrice Corbin
Nathalie Quintane ne se promène pas, elle marche. Elle est de ces piétons qui côtoient l’abîme1. Elle interroge, apostrophe, ne se résout pas à l’apparence d’une réalité résiduelle ; une réalité qui, par la représentation spectaculaire, nous contraint à l’immobilité du faux, du mensonge, d’une gesticulation qui porte un nom définitif et se conjugue sur un présent sans lieux ni événements. Se peut-il un peuple dans le soubassement de cette réalité, ou plus radicalement, le peuple ? « Je parle non pas à la place de mais pour le peuple, ou par le peuple, ou avec le peuple, sans le peuple mais avec lui ou parmi lui, ou encore selon lui, à, dans, par, pour, en, vers, avec, de, sans, sous, sous le peuple, à côté, sens dessus dessous. » Un peuple à venir dont nous ne connaissons pas la langue ; la linguistique, au service de la domination2, nous précipite dans cet abîme où règne l’ombre d’une pantomime désincarnée. Lieu du simulacre, le mythe de la caverne nous saisit à chaque instant, Platon nous interpelle de nouveau, au sortir de ce lieu du mensonge, il y a… l’épicentre d’une volonté qui ne se résigne pas, un mouvement vers un possible à saisir qui pose la question de l’émancipation, qu’est-ce qu’un peuple ?3
226 p., 13,00 €
1. L’Abîme se repeuple, Jaime Semprun, L’Encyclopédie des Nuisances, 1997.
2. LTI. La Langue du IIIe Reich, Victor Klemperer, Albin Michel, 1996.
3. Qu’est-ce qu’un peuple ?, Alain Badiou, Judith Butler, Georges Didi-Huberman, Sadri Khiari, Pierre Bourdieu, Jacques Rancière, La Fabrique, 2013.