José Carlos Becerra : La Venta, précédé de Parole obscure

 
par Mathilde Azzopardi

Lorsqu’un jour de mai 1970, la Volkswagen de location conduite à plus de 100 km / heure par José Carlos Becerra quitte, dans un virage, la route le menant à Brindisi où il souhaite embarquer pour la Grèce, l’« homme combustible », comme le nomma son compatriote Octavio Paz, a 34 ans et deux recueils publiés, dont le bouleversant Parole obscure, dédié à ses sœurs, et adressé à sa mère morte. Sept poèmes composent cet ensemble qui rend quasi palpable ce « terrible dérèglement » perceptible des seuls endeuillés : chaque meuble, chaque objet familier de l’absente semble à la même place et, pourtant, tout craque, claque, se défait absurdement sous la torsion de ce qui a eu lieu. « Cette nuit il y a quelque chose de toi sans moi ici même, / et tes mains sont ouvertes là où tu ne me connais pas. » La Venta invoque, cependant, une mémoire partagée, voire cosmique – « ce qui durcit l’arbre c’est l’air resté dans les branches, / les restes du mouvement des ailes de l’oiseau et la chaleur que consentent à midi les nuages ». À la mort, répond le vivant, une promesse d’amour – ou de danger – ; à la désolation, toujours l’ardeur de la langue du poète et le poème, tendu comme un miroir.




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Traduit de l’espagnol (Mexique) par Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo
La Nerthe
« La petite Classique »
104 p., 12,00 €
couverture