par Hervé Laurent
Il y a un superbe modèle nu, un vigile brutal, un employé de banque blême, deux émissaires gouvernementaux, un grand maître capable de se dédoubler et de copuler avec lui-même, un prophète tiré à quatre épingles, un décapité sans anus… la liste n’est pas close. Dans ce casting plus que copieux on déplore l’absence de Pierre Molinier (et de son œuvre), l’un et l’autre recouverts par un récit alambiqué débité dans une prose filandreuse. Il eût fallu accepter de ne rien ajouter à la scandaleuse simplicité, à l’évidence dévastatrice du geste photographique de Pierre Molinier qui sut retourner l’exercice du travestissement en une mise à nu, avec une espèce de rage froide et de joyeuse radicalité devant lesquelles nous restons définitivement interdits. Par ailleurs, Vincent Labaume est l’auteur d’un livre qui devrait figurer (pour commencer) dans toutes les bibliothèques des écoles d’art1. Il témoigne de l’intelligence et de la sensibilité plastiques et littéraires de l’artiste-essayiste et propose une chronique éclairante et drôle sur les enjeux sociaux de l’art contemporain (et de son enseignement). Alors ? Et « son » Molinier ? Un coup manqué ? Ça arrive, même aux meilleurs – la preuve.
1. Zupçons, une archéologie des désirs, Sémiose Éditions, 2010.