Bruno Fern : reverbs, phrases simples

 
par Hervé Laurent

Mot d’origine latine balloté, entre le français et l’anglais, entre acoustique (le phénomène de l’écho) et musique électrique (la fameuse pédale des guitaristes rocks), reverbs sert de titre au dernier livre de Bruno Fern. Le sous-titre, qui définit la contrainte à laquelle obéit sans (presque) déroger le livre, semble plus limpide : phrases simples – une catégorie empruntée aux manuels de grammaire. Une phrase simple sera plutôt brève (encore que…), car construite autour d’un seul verbe conjugué. De là à conclure que sa compréhension ne fera pas problème, il n’y a qu’un pas que Bruno Fern ne nous invite pas à franchir. Au contraire, il propose plutôt de faire un pas de côté, sous l’autorité de Patrick Beurard-Valdoye : Il faut passer du raisonnement à la résonance. Choisir la musicalité de la langue plutôt que l’ordre du discours serait trop simple, l’auteur n’est pas si naïf, il a, de plus, un sens de la transition bien trop affûté. Reverbs c’est justement le jeu complexe qui s’instaure entre le son et le sens, dans l’incessant aller-retour qui constitue le langage. La phrase est simple, pour les grammairiens, dans la mesure où leur imaginaire statique les empêche de la considérer autrement que détachée de tout, sourde et autosuffisante. Feignant de suivre leur leçon, Bruno Fern l’isole sur la page par un retour systématique à la ligne. C’est cet isolement qui rend évidente son incomplétude. Dès lors le point se transforme en carrefour, un nœud d’où démarre la phrase d’après plutôt que la phrase suivante, cet adjectif laissant à penser que la continuité est plus forte là où la prose de Reverbs fait tourner à plein régime les ruptures, les reprises, les déformations, et autres bifurcations. Ces figures libres, propres au langage, font de lui, pour peu qu’on s’y adonne, un formidable outil d’insoumission. Car c’est aussi de ça qu’il s’agit dans ce livre : « Revenir à un langage élémentaire pour répondre aux éléments de langage. » La dynamique du (re)verbe contre le bétonnage de la com’.




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Nous
« disparate »
152 p., 14,00 €
couverture