Agnès Thurnauer : Journal et autres écrits

 
par Hervé Laurent

Voici un recueil dans lequel on trouvera, en ouverture, d’importantes interviews. Suivent les textes d’une dizaine de conférences et interventions publiques, autant d’occasions pour Agnès Thurnauer d’exprimer son engagement : En tant que femme, je suis féministe. En tant qu’artiste, je suis artiste. Peintre, plus exactement. De la peinture elle note qu’une de ses qualités essentielles est de pouvoir représenter des questions. Plus loin, la peinture c’est cela : offrir une énigme sans cesse reconduite par le regard que l’on pose sur elle, qui emmène ailleurs tout en nous rendant présents ici. À nous-mêmes. Enfin, cet aveu aux accents quasi mystiques : à l’artiste qu’elle est, la peinture répond toujours.

Le journal d’atelier, qui constitue la deuxième partie du recueil, explicite ce rapport exclusif et privilégié, en l’inscrivant dans le quotidien de la pratique. Je taille ma route dans la peinture, insiste l’auteur. Le journal suit cet itinéraire qu’il enrichit d’une réflexion éclairante sur le temps. Je sens le temps. Il est à mes côtés, c’est une présence palpable, un accompagnement. Ce temps ressenti fait barrage à trop d’historicité. Les hiérarchies sont impossibles, les chronologies obsolètes, conclut Thurnauer, en évoquant un voyage inaugural à la Documenta où elle découvrit Beuys et Byard, puis fila à Assise pour voir les fresques de Giotto. D’autre part, la possibilité d’une œuvre est affaire de synchronicité aiguë, c’est elle qui donne les bons tableaux. Le temps linéaire, indice de finitude, la peinture en préserve l’œuvre. Apprenant la disparition d’un être cher, l’auteur se représente cette existence achevée, comme une rondeur, pas une durée. Le temps accompli devient rond. Cette transmutation de la ligne en cercle, qu’opère la mort, est comparable au travail d’accomplissement de la peinture. À l’œuvre, il permet de rayonner, par-delà le temps de l’histoire, d’une lumière indéfiniment actuelle : Le bouquet de violettes de Dürer. Début XVIe et jamais fané.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Beaux-Arts de Paris
« écrits d’artistes »
352 p., 20,00 €
couverture