par Alexandre Ponsart
Dans la préface, Alain Fleischer écrit : « en chacun de ses textes (…) Jean-Louis Baudry nous fait entrer dans son dialogue personnel avec les œuvres d’art ». Et avec L’enfant aux cerises il est plus précisément question de peinture. Douze articles répartis en trois parties contenant chacune quatre articles viennent mettre en lumière une réflexion sur la peinture en tant que moyen artistique. Les textes sont accompagnés de photographies d’Alain Fleischer. Comment accède t-on à l’art ? Quel en est le point de départ ? Que faire de l’émotion engendrée par l’œuvre d’art ?
Quiconque feuilletant un livre d’art ou passant distraitement par les salles d’un musée a vu son regard arrêté par un tableau et, avant même de discerner ce qui nous avait frappés, d’avoir à reconnaître que nous étions chez nous. Cette impression d’être chez soi (…) est si puissante et décisive qu’on est pas près d’oublier le ou les peintres qui nous l’ont imposée. Et comme la plupart de leurs œuvres ont le pouvoir de la reproduire, on devine qu’on la doit, plus qu’au sujet, à leur manière de peindre, à leur main, à ce qui se transmet d’eux sur une toile. Car ce qui importe, ce n’est pas le sujet du tableau, mais les émotions de l’artiste qui s’en dégagent. Comme pour Delacroix qui estime que l’art est l’expression de l’âme ; ce qui compte c’est d’être troublé, émotionné par l’essence même du peintre plus que par la toile en elle-même.
J’eus donc très vite l’impression que la peinture formait un monde à part, qu’elle n’imitait pas, ne redoublait pas le monde des choses (…) mais que s’introduisant comme de force dans la chair du visible, même si c’était souvent pour le rappeler. Au fil des pages, même si l’auteur ne les mentionne pas, les peintures de Francis Bacon affluaient à mon esprit avec l’idée que le spectateur n’éprouve de sensation qu’en pénétrant le tableau, en accédant à l’unité du sentant et du senti. À ce sujet, Gilles Deleuze écrit dans Logique de la sensation : « la sensation c’est ce qui est peint. Ce qui est peint dans le tableau, c’est le corps, non pas en tant qu’il est représenté comme objet, mais en tant qu’il est vécu comme éprouvant telle sensation (ce que Lawrence, parlant de Cézanne, appelait ‘l’être pommesque de la pomme’) ». Tout est affaire de goût. C’est ainsi que le lecteur se retrouve confronté à l’épineuse question du jugement esthétique (d’une œuvre d’art). La pensée kantienne est un élément de réflexion. Car pour comprendre l’esthétique, il faut la concevoir en tant que jugement. Celui-ci n’est pas un jugement sur l’objet mais plus un rapport à la manifestation d’affects et à l’émotion qui en découle.
Pour Platon, les œuvres des peintres et des poètes exercent une profonde fascination sur les spectateurs. Elles ne les laissent pas indifférents ; questionnement de l’esprit, plaisir, dégoût,… L’enfant aux cerises est une œuvre poétique questionnant la peinture qui ne peut, finalement, qu’interroger le lecteur.