par Tristan Hordé
Edoardo Saguineti (1930-2010), écrivain engagé dans la vie politique, un peu connu en France par sa poésie (Corollaire), a aussi écrit des romans (Le noble jeu de l’oie), des essais, a traduit les poèmes de Joyce et a été dramaturge. L’amour des trois oranges est une commande de deux metteurs en scène, pièce qu’il a définie comme un « travestimento » : il a en effet écrit à partir d’un canevas de Carlo Gozzi (1761), lui-même ayant adapté pour la scène un conte du XVIIe siècle. La trame appartient à la tradition de la commedia delle’arte, dont quatre masques sont présents, Traffaldino, Tartaglia, Brighella, Pantalone ; un personnage, envoûté par une mauvaise fée, tombe amoureux de trois oranges, chacune se révélant enfermer une jeune fille. Sanguineti détourne la fable pour mettre en pièces les travers de la société contemporaine, visant notamment le populisme de Berlusconi et, dans des termes violents, la télévision : « (…) vomissez : / des pourritures immondes soyez débarrassé ! : Je vois la cinq, la quatre, et l’italia uno : / tout est un blob infect, vénéneux, un fléau / conseils pour les achats, saletés aux enchères (etc.) ».
La pièce est écrite en vers rimés, principalement en vers de deux hémistiches de sept syllabes, à quoi s’ajoutent l’hexasyllabe et l’hendécasyllabe (le vers de La Divine Comédie). La traductrice, qui signale la richesse de l’intertextualité dans le texte (Dante, Pétrarque, Rabelais, Marx, etc.) a choisi pour restituer au mieux le rythme de traduire en alexandrins rimés.