par Tristan Hordé
On se souvient du livre de Jean Daive, Anne-Marie Albiach, l’exact réel (2006), qui réunissait cinq entretiens avec l’écrivain ; les deux études de Rémi Bouthonnier engagent une réflexion dont la citation préliminaire extraite d’un des entretiens donne en partie le sujet, « Le vers met en scène le côté sacrificiel, c’est-à-dire le côté mystique. » Sans reprendre la première partie (« Savoir Non Savoir »), d’une grande densité, notons que Bouthonnier associe Anne-Marie Albiach à Baudelaire et Artaud, tous trois dans la révolte, insistant sur le fait que « La noblesse de la révolte est de chercher révélation quel qu’en soit le prix, de se dresser contre ce qui justifie. » – On relèverait sans peine bien des extraits illustrant ce propos. Tous trois ont également des rapports complexes avec la notion de faute, sans que se découvre jamais l’idée de rédemption. Il y a sans cesse chez eux une hésitation, ou plutôt un balancement entre « rétention et dépense extrême » – et l’on pense sur ce point aux analyses de Bataille sur le sacré. Précisément dans l’œuvre d’Anne-Marie Albiach est remarquable le mouvement des contraires, « meurtre-engendrement ; meute-solitude ; arrachement et étreinte forment les couples d’une mystique de l’intensité ».
La réflexion autour du sacré, et donc de l’Unité, se prolonge et s’approfondit dans la seconde partie (« La structure du double dans la lettre à Jean Daive ») avec la lecture d’une lettre écrite par Anne-Marie Albiach en 1968. Si le double s’y définit par « l’identité en résonance » (« Je vous dis en écho »), il s’agit de tirer les conséquences de la proposition. Bouthonnier analyse, à nouveau, un double mouvement (Un / Deux) et comment dans l’écriture le saisissement du réel est contemporain de son évanouissement. Question centrale dans l’œuvre d’Anne-Marie Albiach, chez qui « une vision mystique de la matière et une appréhension presque matérialiste du mystère se marient dans l’assomption du verbe. »