par Khalid Lyamlahy
« Retient-on par la manche celui qui n’en peut plus de ne plus rien pouvoir, écœuré de sa propre fatigue, et tellement désireux de ne plus peser sur personne ? » (11) : cette question issue du premier fragment du livre de Jean-Michel Maulpoix pose d’emblée le défi de l’auteur. Écrire la disparition des parents revient à lutter contre une forme d’impuissance dans le texte. Par-delà le poids du deuil et l’abîme d’une vie qui « ne tient plus qu’à un fil de larmes » (23), le poète affronte un temps déréglé, une amertume profonde, les débris d’une existence qui resurgissent comme autant de fragments éclatés. De ce coin du garage où son père peignait en lui donnant « le goût du chevalet » (16) à la maison de retraite où il doit soutenir les « yeux vides, saturés de nuit » (41) de sa mère, l’auteur témoigne de l’évanescence d’un monde où « tout s’en va en pluie et en poussière » (47). Que peut donc l’écriture face à une vie rythmée désormais par l’absence, l’incongru et « le silence du vide » (53) ? Dans sa lutte, le poète s’approprie le thème de la séparation, en fait un grand trou ou un « cœur noir » (59) où se défait le sens des mots et se construit la « connaissance précise de la finitude » (63). Les fragments poétiques de Maulpoix ouvrent de petits espaces de quête, de fragiles morceaux d’échange avec « le souffle de ceux dont ne bat plus le cœur » (64). Exercice d’obstination poétique, le texte offre « un bouquet de fleurs d’encre » (25) aux êtres chers et oppose la musique des mots au silence de l’absence. Sur les pas du peintre Joan Miró, Maulpoix rêve d’une « hirondelle amour » (84) qui reviendrait pour saisir la colère et le désir, la détresse et l’espérance, bref la double conscience d’une vie « procédant du rien et y retournant » (95). Dès lors, le cri de cette hirondelle rouge rappelle la naissance du poète et renvoie, par-delà la métaphore, à l’apprentissage continu de l’amour et à la quête nécessaire de ces traces fuyantes et éphémères qui font le poème.
128 p., 12,00 €