Raoul Haussmann, Dadasophe. De Berlin à Limoges

 
par Lorenzo Menoud

De ce volume collectif inégal – catalogue richement illustré d’une exposition qui a présenté pour la première fois extensivement, à l’occasion des 100 ans de Dada, le fonds Raoul Hausmann conservé par le musée départemental d’art contemporain de Rochechouart, dans le Limousin, région où l’artiste, « Président du Soleil, de la Lune et de la petite Terre (face interne), Dadasophe, Dadaraoul, directeur du cirque Dada »1, a vécu de 1939 à sa mort, en 1971 – je retiendrai deux photographies (p. 6-7), prises par Reinfried Horn en 1968, où le poète à 82 ans joue avec un tube à dessins, montrant alors, dans son appartement, par son corps, au-delà de l’anecdote, devant certaines de ses œuvres, que l’âge ne détermine pas nécessairement l’esprit; et trois articles spécifiquement consacrés à sa poésie : le premier3 souligne des facteurs biographiques qui auraient décidé de sa vocation poétique, ainsi, d’une chanson folklorique que son père lui chantait, il aurait repris la répétition sérielle et la primauté du rire, et du nom d’un village tchèque, dont le toponyme se traduit par « chant du chardonneret », sa poésie phonétique, et insiste également sur la volonté d’Hausmann de « nous faire entendre par nos yeux et voir par nos oreilles »4, de développer une sensorialité exentrique5 qui irait au-delà des limites humaines ; le deuxième6 retrace les collaborations qu’il entreprend depuis son exil avec Kurt Schwitters, établi en Angleterre, ils rédigent ensemble, à distance, PIN7, un opuscule réunissant les poèmes et les collages issus de leurs échanges, et avec Iliazd qui vit à Paris, à la fameuse anthologie8 duquel il participe, et montre à nouveau, si besoin était, le ridicule de certains, ici les lettristes, antidatant leurs œuvres et révisant les données historiques, prêts à tout pour passer à la postérité ; le troisième9 relate la rencontre de l’artiste dadaïste avec le poète sonore Henri Chopin et met l’accent sur ses qualités d’éternel chercheur, hors de toute assignation identitaire.




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Sous la direction d’Annabelle Ténèze
Dilecta / Musée départemental d’Art contemporain de Rochechouart
208 p., 25,00 €
couverture

1. Raoul Haussmann, Dadasophe. De Berlin à Limoges, sous la direction d’Annabelle Ténèze, Éditions Dilecta, 2017, p. 83

2. Ce que constata Henri Chopin : « Ses soixante-dix-neuf ans m’étonnèrent ; il était d’une vivacité et d’une jeunesse inouïe » (ibid., p. 183-184).

3. Adelheid Koch-Didier, « La “pesanteur du SON”. Raoul Hausmann poète », dans Raoul Haussmann, Dadasophe. De Berlin à Limoges, p. 65-75.

4. Ibid., p. 67.

5. C’est le titre d’un de ses ouvrages publié en 1970.

6. Régis Gayraud, « Un combat contre l’oubli, de Pin à Poèmes et Bois », dans Raoul Haussmann, Dadasophe. De Berlin à Limoges, p. 143-155.

7. Il ne paraîtra qu’en 1962 ; Raoul Hausmannn & Kurt Schwitters, PIN and the story of PIN, introduced by Jasia Reichardt, London, Gaberbocchus Press, 1962.

8. Poésie de mots inconnus, Paris, Le degré 41, 1949 ; on peut en trouver une reproduction en ligne ici.

9. Michel Giroud, « Raoul Hausmann et Henri Chopin », dans Raoul Haussmann, Dadasophe. De Berlin à Limoges, p. 183-193.