Louis-Philippe Dalembert : En marche sur la terre

 
par Khalid Lyamlahy

Pour l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert, la poésie relève à la fois d’une « nécessité » (127) et d’une « urgence » (128). Dans ce recueil qui intègre des poèmes inédits et d’autres publiés dans des ouvrages préalables, il s’agit de retrouver le chemin du pays natal, ce « grain de sable sur la carte du monde » (7) d’où rayonnent les lumières de l’enfance et la nostalgie des origines. Plutôt qu’un simple retour, cette quête prend la forme d’un long voyage en fragments où Haïti éclaire d’autres territoires de par le monde. Dans des poèmes à la fois lyriques et engagés, Dalembert maudit les désastres des guerres du Golfe et du Liban, et réhabilite ces africains vendeurs à la sauvette, oubliés « dans les rigoles des grandes villes » (33). De Sarajevo à New York, de Paris au désert d’Assouan, de Rome à Port-au-Prince, le poète dresse le portrait et la trajectoire d’un étranger qui marche sur la terre, portant « sa dissemblance en bandoulière » (25) et affrontant la charge « des débats creux et des regards stériles » (29). Tantôt révoltée et mélancolique, tantôt sensuelle et nostalgique, la poésie de Dalembert s’obstine à célébrer le souvenir d’un amour éphémère à Cuba, ou le charme d’une rencontre poétique à Paris. Au détour des pages, les poèmes deviennent ces « lettres d’ailleurs » (67), retrouvant la figure de la (grand-)mère ou saluant la parole des frères : René Depestre, Anthony Phelps, Frankétienne. D’un poème à l’autre, la mémoire des lieux lutte contre le froid de l’exil, et la gloire des souvenirs tente d’adoucir la nostalgie de l’enfance. Ode à la vie dans un monde où les vies sont « fauchées par la bêtise humaine » (106), le poème voyage, vagabonde, « se rebelle / de l’incommensurable désastre du monde » (121). Mais après le temps du voyage, vient toujours l’envie de retrouver l’enfance et le pays natal. Alors, entre le désir de partir et la difficulté de revenir, Dalembert « clame l’urgence de la poésie / pour la survie dans l’absence » (79).




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Bruno Doucey
« L’autre langue »
136 p., 15,00 €
couverture