par Philippe Di Meo
D’un genre inconnu, mais respectant formellement la division en chapitres d’inégale longueur dûment numérotés, cette prose prend prétexte d’une « masse de serviettes en tissu éponge » « frappée par un marteau ».
Dans cette multitude, une serviette « réagit », de nombreuses conséquences en découlent.
Aucun fragment n’obéit aux lois d’une narration convenue. Un arbitraire littéraire s’y donne à cœur joie, d’associations incongrues en développements pour le moins surprenants.
Ainsi la serviette remue bruyamment. Le narrateur (la narratrice ?) lui fait des « démonstrations » guère mieux spécifiées ; des « échantillons de sons » lui sont par exemple « dispensés ».
Activités qui s’accompagnent d’incises à résonance aphoristiques telle ce « Pas de beauté sans connaissance », un brin énigmatique dans leur contexte élusif.
À l’indéfinissable du lieu et de l’action, s’ajoute l’imprévisible des péripéties senties par le lecteur comme autant d’interférences tressautantes ou diversement insinuantes. Ou non.
À propos de la fameuse « serviette », l’auteur nous offre un échantillon représentatif de son savoir-faire. Qu’on en juge : « Le concept de saleté est très abstrait pour moi… Je suis perplexe… qui a dit ça ?... Je me vois sur le sol et dans le sol… Il y a toujours un bruit de tremblement sur cette porte… »
C’est moins le langage que l’écheveau narratif qui est manipulé. « Je voudrais découvrir n’importe quoi », tel est le mot d’ordre pointilleusement mis en pratique.
L’intentionnalité ? « Des fragments d’une sorte de langage, l’expression d’un mode de pensée prélogique débitant pêle-mêle les sons, répétant mots et les bruits et les bruits, les jurons et une porte qui grince. Elle [la serviette] ne connaissait pas leur sens réel mais elle aimait me voir réagir à ces sons. […] Je n’étais pas toujours dans l’atelier quand elle parlait. J’étais d’ailleurs de moins en moins là. Elle ne s’adressait à personne. » Comment ne pas en convenir ?
104 p., 16,00 €