Catherine Benhamou : Hors jeu

 
par Marie-Florence Ehret

Un texte inclassable, un monologue théâtral enraciné dans une pièce de Samuel Beckett, Fin de partie.
La narratrice est dans la poubelle, c’est la mère, elle est morte et les spectateurs ne la voient plus. L’actrice qui l’incarne attend la fin de la pièce, au fond de sa poubelle. Et elle nous parle, de sa mère.
La mère, la mort, la poubelle. Des souvenirs parfumés – une robe à fleurs, des olives juteuses qu’on dénoyaute, le bruit des abeilles, la petite peau des amandes fraîches qu’on épluche et qu’on croque – pas de mots, seulement cette petite peau, amère.
L’enfance.
« hé oui ma petite qu’est-ce que tu crois les mères ça meurt ! »
C’est à nous qu’elle parle, la narratrice. Ou bien aux comédiens qui jouent la pièce de Beckett. Ou à elle-même. Ou à l’auteur de la pièce. Elle s’adresse. À sa mère.
Tout se passe face au mur du fond. Le premier mur. Ni cour, ni jardin. Ni public. Le mur sur lequel on projette son cinéma intérieur.
Ainsi elle nous tient par un phrasé haché, répétitif et fluide, elle, l’auteur, qui a perdu sa mère dit-elle, quelques mois avant d’écrire ce texte.
Du fond de sa poubelle elle nous parle, de sa mère qui n’est pas encore morte et qu’elle doit aller voir à l’hôpital, d’une obscure histoire de bagues. De l’enfance de la mère – dont elle ne sait rien que l’institutrice qui met la fillette juive au fond de la classe, de son institutrice à elle, qui l’a exclue d’une phrase définitive du monde commun. Même Beckett s’en mêle, en personne. Attentif, compréhensif, discret.
Il ne pourra pas l’empêcher à la fin de s’en aller.




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