Alain Eludut : Berges et Seuils

 
par Sébastien Hoët

Voici un recueil qui tranche dans la création poétique d’aujourd’hui par la simplicité de ses moyens et la clarté de son ton, de sa parole. Berges et Seuils est aussi nu que son titre, et aussi inactuel. D’entrée de jeu : « Le monde se déroule et joue sur le tapis du temps / entre les aubes grises et les soirs malicieux / (…) Le bonheur et l’oubli des dépenses / les yeux des jeunes filles » (p. 9), nous remontons dans le passé et nous rappelons la lecture tellement charmante et mélancolique des Francis Jammes et Albert Samain, nulle voix qui tonne ici, mais un murmure lancinant qui ne s’estompe pas. Et ce même sentiment automnal que chez Jammes, le sentiment du deuil des choses ou des primevères, mais plus grave, plus profond, et sans remède : « (…) j’avance sans me retourner / au milieu des décombres quotidiennes » (p. 12). Le monde n’a de cesse de s’effriter, de finir, chacun s’échappe de soi, ne peut plus se rattraper, le corps s’exhale, et dans cette grande heure crépusculaire écrire s’arc-boute contre le temps, essaie, vainement sans doute, de saisir le sable qui coule, et ce qui « hante l’esprit » (p. 55), tout ce qui se dilue. Mais c’est cela être au monde et voir avec l’œil de l’enfant. De tout ce recueil émane une « joie » mélancolique certes, grave, où la mort ne se dresse pas comme une menace mais au contraire comme une forme d’accomplissement quand vient l’hiver qui clôt le recueil. L’hiver où ceux qui nous précèdent ont disparu dans une blancheur paisible d’outre-monde pendant que nous allons de seuil en seuil jusqu’au dernier.




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Tarabuste
« Doute B.A.T. »
80 p., 12,00 €
couverture