par Jérôme Duwa
De quelle humanité « dégradée » nous parle Rainer Maria Rilke (1875-1926) dans ce poème de 1903 ? Comme l’indique son traducteur, l’auteur du Livre d’Heures est alors au milieu de sa vie et très éprouvé par son séjour dans la suffocante ville de Paris, où il subsiste grâce au soutien de Rodin.
Dans cette ville « perdue et décomposée », le poète se retrouve « seul comme un minerai » au cœur de lourdes montagnes. Ce qu’il voit depuis cet enfouissement, ce sont des êtres humains abandonnés de la mort elle-même. Ils ne sont pas les pauvres, mais les « non-riches », simples ustensiles d’un monde privé de désirs, auquel manque la possibilité de « mûrir » sa mort, désespérément « verte et sans douceur ». D’où un appel à la reconquête pour chacun de sa « propre mort » issue d’une vie ayant recouvré « amour, sens et détresse ». Le poète joue le rôle de l’intercesseur annonçant la venue de « l’Enfanteur de la mort », tout à fait étranger au messie chrétien.
Contrairement à l’adaptation inspirée mais partielle donnée par Arthur Adamov en 1941, la traduction de Jacques Legrand propose le texte dans son intégralité et sans en gommer « les blandices du Symbolisme » qui participent à sa musicalité.
Arfuyen
« Les Carnets spirituels »
128 p., 12,00 €