Kees Ouwens : Du perdant & de la source lumineuse

 
par Franck C. Yeznikian

chaque objet
tente de rassembler un corps

Claude Royet-Journoud

La parution de ce premier recueil traduit du néerlandais de la poésie de Kees Ouwens ouvre un champ poétique absolument sans pareil, qui nous permet enfin de découvrir cet auteur disparu en 2004. Pour autant il n’est pas facile de parler de cette expérience de la lecture chez Ouwens, face à cet ouvrage qui sollicite tant du lecteur et dont on peut saisir combien la traduction s’est révélée, dans ce double défi du passage. Si la traduction est due à une proximité évidente que la poète Elke de Rijke entretient avec l’œuvre de Ouwens, la densité des poèmes impose un effort particulier de lecture devant le vertige d’un périple à la fois syntaxique et l’ouverture presque menaçante d’une cohésion sinueuse, comme fragilisée, qui s’exemplifie. L’architecture du livre demande une concentration de bout en bout, dévoilant par son cheminement – cette « matière étendue » comme la qualifie la traductrice – combien les poèmes forment une entité complexe dont les parties se trouvent reliées par un fil rouge cousu à partir de sept fragments tirés du film Teorema de Pasolini. Ouwens invite par là même à une méditation hypersensible à travers, comme l’énonce encore de Rijke, des processus mentaux, spirituels, sensibles, émotionnels et physique d’un homme lorsqu’il se confronte à la condition mortelle. L’observation d’un détail se retrouve investie à l’intérieur d’une question abyssale. Le titre en lui même ramasse une envergure qui exfolie cette double tension d’une chute et d’un jaillissement à travers des registres d’images servant tour à tour le poème condensé – avoisinant parfois une densité quasi celanienne – jusqu’à la teneur d’un poème plus prosaïquement philosophique, pointant un questionnement existentiel. En somme, nous voici en face d’une profonde acuité à l’exercice du vivant. Cette parution ne peut que nous inviter à découvrir davantage de cette plume rare qui sait nous emporter dans ses diverses formes de porosité en son questionnement : À quel point le transfert de la vie à la mort est une source, qui contient, dépourvu de tout contrôle, le partout à travers lequel Elke de Rijke par sa traduction circonscrit cette écriture organique comme symptôme textuel.




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Traduit et postfacé par Elke de Rijke
La Lettre volée
« Poiesis »
96 p., 16,00 €
couverture