Jean-Marc Undriener : Antichambre

 
par Michel Ménaché

Avec Antichambre, je lis pour la première fois le poète Jean-Marc Undriener. Recueil d’une écriture minimaliste, d’un absolu nihilisme, à l’aplomb du vide. J’ai d’abord hésité à en rendre compte. Avoir lu Cioran (De l’inconvénient d’être né), les cris écrits d’Artaud, m’être étourdi du mal de vivre de tant de poètes du désespoir infini a suffi à combler chez moi le gouffre du manque. La mélancolie existentielle déborde de ma bibliothèque ! J’ai soupçonné l’auteur d’exacerber artificiellement son sentiment de vide total, son goutte à goutte d’existentialisme elliptique. Alors, je me suis avancé avec retenue dans ces courts poèmes, en transit entre naître et mourir. Mais à la deuxième lecture, l’écriture résiste. Même si je me demande encore de quel tonneau vide viennent les éclisses, de quels vaisseaux égarés, les étraves, il y a là des éclats de langue qui résonnent clair à petit bruit. Des mots sans majuscules, murmurés au creux de l’oreille comme pour dire : moi aussi, je suis ton semblable, ton frère…

Sonate du silence en quatre mouvements :
séjour 1, éclisses, retour simple, étraves

Vivre, « échouer ici », dès l’ouverture au monde, la solitude, « tomber dedans / on tombe seul. » Vivre, « une chute / étrange brutale / contre le sol froid dur // à terre le silence frappe / martèle // cloue – »
On pense à Antonin Artaud figurant l’humaine condition par « l’alambic à merde ». Avec la commune souffrance assurée, l’électrocution sous vide : « que des gueules déformées / tordues par la douleur / comme quand le courant passe. » Même le sommeil n’apaise pas, « plutôt une forme de décès ».
La vie sociale aussi est un leurre : « chacun est seul / face à chacun ». De l’amour, de l’amitié, le malentendu est garanti, jeu de massacre. L’autre n’est guère qu’un raccroc de passage : « on s’accroche comme / on peut // – à qui on peut. » Ou encore, en toute situation : « le hasard tient lieu / de cohérence. » Le langage lui-même est vidé de sens : « toujours le même froissement / de mots. »
L’enfermement à ciel ouvert : « des barreaux de trop / aux fenêtres aux yeux / qui ne savent plus / regarder // à peine voir. » Le rideau tombe, ultime chute : « plus rien ».
Antichambre du néant. Le souffle froid d’une voix singulière.




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Faï fioc
104 p., 10,00 €
couverture