Frédéric Bisson : La pensée rock

 
par Sébastien Hoët

L’auteur, agrégé de philosophie et membre du comité de rédaction de Multitudes, propose ici un « essai d’ontologie phonographique ». Cet essai érudit et passionnant suit trois pentes distinctes mais qui s’entrelacent ou se confondent parfois :
1 – Une tentative de caractérisation de l’«œuvre rock » dans le cadre d’une « ontologie processuelle », laquelle s’oppose terme à terme à l’ontologie substantialiste de Theodore Gracyk ou de Roger Pouivet. Il s’agit en l’occurrence, et dans la lignée de Deleuze, Whitehead, ou encore de Simondon, de prendre acte de ce que l’œuvre rock n’est pas qu’un produit achevé sur disque, à ranger dans des catégories pétrifiées (le jazz, la musique classique, etc.), mais désigne un processus qui fait du disque un moment authentique dans un mouvement qui le déborde de toutes parts, une métastabilité qui va du studio à la scène et empêche le disque de se limiter à la simple « reproduction mécanisée » d’un réel singulier qui aurait perdu son aura.
2 – Une phénoménologie de l’affect, où le philosophe parle en amateur, au sens fort et sensible, de l’œuvre musicale, évoquant par exemple la voix de Robert Smith qui se brise dans The Same Deep Water As You, ou un concert de Pierre Henry dans une église de Caen. La discothèque est ici rendue à son identité d’« émotionothèque ».
3 – Une micropolitique du rock : le rock n’a jamais été vraiment révolutionnaire, contrairement au lieu commun, mais il permet néanmoins de « ruser avec le quotidien » (p. 213), de le subvertir par accidents, affleurements, subtils décrochages. Un essai qui ménage une écoute à la fois savante et enfantine, d’une très belle acuité.




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Essai d’ontologie phonographique
Questions théoriques
« Ruby Theory »
230 p., 18,00 €
couverture