Jacques Lèbre : L’immensité du ciel

 
par Étienne Faure

L’immensité du ciel, petit livre bleu percé d’une fenêtre où passent des oiseaux, est le dernier ouvrage publié par Jacques Lèbre aux éditions de La Nouvelle Escampette. Cette même édition – devenue nouvelle pour mieux se poursuivre – l’ayant déjà accueilli à plusieurs reprises, outre l’Atelier la Feugraie, La Dogana et Deyrolle, et plus récemment le phare du Cousseix. L’immensité du ciel réunit des poèmes dont certains étaient déjà parus dans certaines revues : Arpa, Théodore Balmoral, Fario. Un recueil organisé en trois temps : Le vent ; Réduit, désormais, à l’immensité du ciel ; Une nécropole, des chardonnerets.
La mort est loin d’être étrangère aux recueils de J. Lèbre. Elle est ici de nouveau présente dans ce livre de la perte et de la remémoration, intime et familiale. Il y a ce qui reste, comme un inventaire des choses et des souvenirs : des objets, des noms, des évocations, mélangés dans les mêmes textes, qui s’étayent et font resurgir la présence du défunt (Visite, Patience…). L’univers du père disparu, scruté et évoqué par le fils, aussi bien devient sien, par les mots qu’il génère : les boîtes à plomb, le fil et les hameçons, le «  vieux mètre coupé à vingt centimètres / avec une entaille à dix-huit pour la maille des truites ». Il y a ceux qui restent – la mère –, dans le guingois entre habitudes et solitude. Il y a l’adieu et les interrogations qui peuvent aller jusqu’au grincement : « la charnière entre ta vie et ta mort / aura-t-elle grincé ? La morphine / l’aura-t-elle un peu graissée ? » J. Lèbre s’interroge et interroge. Peu de textes où il n’y ait un ou plusieurs points d’interrogations qui martèlent, assènent une question. Un texte est lui-même intitulé Question : « Mais que ferais-je de l’éternité »…

Et nulle consolation, pas d’avantage dans la religion (Nombre) ; mais une espèce de tranquillité gagnée, peut-être : à cette énième mort individuelle, semble ici répondre, comme en réverbération, l’évocation d’une nécropole, telle une mise à distance collective et humaine. Elle passe par le regard, encore et toujours, et le mouvement, celui de la marche notamment, salvatrice, qui taraude l’auteur : «  j’ai toujours tellement envié / la personne qui là-bas marchait sur un chemin ». Et les oiseaux. J. Lèbre nous offre ici un très beau pan de l’iceberg qui fait sa voix unique.




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La Nouvelle Escampette
« Poésie »
64 p., 13,00 €
couverture